Pendant des mois, j’ai cru que mon voisin, Monsieur Laurent, était simplement un retraité comme les autres : discret, poli, amateur de jardinage. Chaque matin à 7h tapantes, qu’il pleuve ou qu’il vente, il sortait dans son jardin, enfile ses gants beiges, déroule son long tuyau d’arrosage jaune, et passait une bonne demi-heure à s’occuper de ce que je croyais être des fleurs.

Mais il y avait quelque chose de bizarre.
Toujours le même endroit. Un coin reculé de son terrain, à l’ombre, là où rien ne poussait vraiment. Pas de rosiers, pas de légumes. Juste de la terre, un peu de mousse… et ce que je prenais pour un vieux composteur.
Et puis un soir, je l’ai vu — par hasard — depuis ma fenêtre. Il faisait nuit, presque 23h. Et là, il arrosait encore.
Avec le même tuyau.
Mais cette fois, ce n’était pas de l’eau qui en sortait.
Intrigué, j’ai commencé à observer. Pas par méchanceté, mais parce que… quelque chose ne collait pas.
Et un jour, alors qu’il s’était absenté pour le week-end, un bruit étrange m’a attiré près de la clôture. Un bourdonnement mécanique, sourd.
Alors j’ai regardé de plus près.
Et j’ai compris.
Ce n’était pas du tout un jardin.
Sous une fausse trappe, dissimulée sous des feuilles, il y avait une entrée de cave souterraine. Équipée de ventilateurs, de lumière artificielle… et d’un système d’irrigation connecté.
Le fameux tuyau jaune.
Ce que mon voisin «arrosait» depuis des mois, c’était une culture clandestine de plantes exotiques interdites, dont certaines aux propriétés hallucinogènes.
Il ne vendait rien. Il ne recevait personne.
C’était pour lui. Une obsession. Une double vie enfouie sous la pelouse.
Quand les autorités sont venues (j’ai prévenu anonymement, je l’avoue), elles ont été aussi surprises que moi.
Monsieur Laurent, 68 ans, ancien prof de biologie, menait une expérience secrète sur les états modifiés de conscience. Chez lui. En chaussons.
Depuis ce jour, le jardin est resté vide. Le tuyau jaune a disparu.
Mais chaque fois que je passe devant cette parcelle de terre stérile, je ne peux pas m’empêcher de penser :
Qu’est-ce qu’on ne voit pas, juste sous nos pieds ?